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Le Canal du Souffle et du Coeur - Episode 2

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Sandrine
Fabrice_13
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Le Canal du Souffle et du Coeur - Episode 2 Empty Le Canal du Souffle et du Coeur - Episode 2

Message par Admin Ven 29 Mar 2019 - 16:28

Voici un message de Vincent PITHON

Bonjour,
 
Il y a quatre années maintenant, contraint par la maladie, je me suis offert une bonne "réinitialisation". Pour fêter ça, l'année dernière, j'ai tenté de descendre la Canal du midi en marchant nordiquement de Toulouse à Marseillan. Je me suis arrêté à Carcassonne, au petit matin du deuxième jour. Cette année j'ai décidé de repartir mais en découpant le parcours en trois étapes. Avec nos activités, le temps passe si vite que vais essayer de résoudre cette équation difficile de marcher vite pour ralentir le temps qui passe.
 
Je partirais donc de Toulouse, le jeudi 4 avril à 6 heures pour arriver le samedi 6 avril vers 19 heures à Marseillan. Une première étape de Toulouse à Bram, une deuxième étape de Bram au Somail et la troisième étape du Somail à Marseillan. Pour me suivre utilisez les liens suivants :
A bientôt,
 
Vincent.
"L'unique moyen de savoir jusqu'où l'on peut aller, c'est de se mettre en route et de marcher." H.Bergson
Le Canal du Souffle et du Coeur - Episode 2 Vincne10
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Le Canal du Souffle et du Coeur - Episode 2 Empty Re: Le Canal du Souffle et du Coeur - Episode 2

Message par Fabrice_13 Ven 29 Mar 2019 - 16:42

Bonjour Vincent,

On est avec toi et on suivra ton nouveau défi.

@ bientot

Fabrice
Fabrice_13
Fabrice_13
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Localisation : 13

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Le Canal du Souffle et du Coeur - Episode 2 Empty Re: Le Canal du Souffle et du Coeur - Episode 2

Message par Sandrine Ven 29 Mar 2019 - 19:34

cette équation difficile de marcher vite pour ralentir le temps qui passe.
Je dirais plutôt deux beaux défis 
On vous suivra et bonne marche
Sandrine
Sandrine
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Localisation : Suisse

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Le Canal du Souffle et du Coeur - Episode 2 Empty Re: Le Canal du Souffle et du Coeur - Episode 2

Message par RJY_29 (Jean-Yves) Sam 30 Mar 2019 - 7:40

Nous suivrons avec plaisir et curiosité ce beau défi.
Ta volonté t'amènera là où tes pas te guideront et tout ceux qui t'aiment seront heureux de te voir épanoui.
Que le vent pousse tes pas légers l'ami Vincent. (Très belle l'aquarelle)

_________________
________
Jean-Yves
RJY_29 (Jean-Yves)
RJY_29 (Jean-Yves)
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Localisation : Far ouest

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Le Canal du Souffle et du Coeur - Episode 2 Empty Re: Le Canal du Souffle et du Coeur - Episode 2

Message par Mkb Sam 30 Mar 2019 - 7:59

Trois belles étapes 
Bon cheminement

Mkb
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Membre 5 ans


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Le Canal du Souffle et du Coeur - Episode 2 Empty Re: Le Canal du Souffle et du Coeur - Episode 2

Message par mICHEL02 Sam 30 Mar 2019 - 14:38

Un beau défi bounce. Bravo:Super:
Raconte-nous ton épopée cheers

mICHEL02
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Membre 5 ans


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Le Canal du Souffle et du Coeur - Episode 2 Empty Re: Le Canal du Souffle et du Coeur - Episode 2

Message par Yann Sam 30 Mar 2019 - 21:14

Tout est beau 
Le titre, l'idée, le défi, le texte, l'aquarelle  Coucou
A te lire
Bon chemin de halage

Yann
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Membre 5 ans

Localisation : Ouest de la France

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Le Canal du Souffle et du Coeur - Episode 2 Empty Re: Le Canal du Souffle et du Coeur - Episode 2

Message par Fabrice_13 Lun 22 Avr 2019 - 12:45

Voila le périple de Vincent,

Je le dis et le redis, QUEL EXPLOIT,


Le Canal du Souffle et du Coeur – Episode 2

« Heureux qui comme Ulysse
A fait un beau voyage
Heureux qui comme Ulysse
A vu cent paysages … » G. Brassens (Heureux qui comme Ulysse)

Le quai de la gare de Béziers est balayé par un vent glacial. Le ciel est gris et le quai encombré
de travaux. Les voyageurs, peu nombreux, s’abritent tant bien que mal en attendant le train. Il est
annoncé à l’heure. Au fond, là-bas, le phare de la locomotive éclaire un peu la grisaille. Le train
approche comme glissant sur les rails. Je monte dans le wagon avec sac et bâtons. Le temps d’enlever
mon manteau, le train démarre à nouveau dans une multitude de grincements métalliques et de
secousses latérales. Assis confortablement je commence à me laisser gagner par le bercement du train.
Je tire de mon sac mon tableau de marche. Je le connais par coeur. La vitre du wagon, maculée de
poussières et de boue laisse, quand même, entrevoir le paysage. Je cherche le canal. Il pleut. L’eau qui
ruissèle sur la vitre se mélange à la poussière et laisse des traînées sur la vitre. Le soir descend petit à
petit mais j’essaye de deviner le canal. Une rangée d’arbres par-ci, un pont par là. La pluie redouble
d’intensité. Je fini par ne plus rien voir du tout. A l’approche de Toulouse, la pluie se calme, un rayon
de soleil transperce les nuages et inonde la plaine. Je sens le canal tout proche. Entre rails et autoroute
il est là. Le train entre dans Toulouse.

La nuit me semble bien courte. Difficile de trouver le sommeil. Je tourne et vire. J’ouvre un oeil.
La pièce est légèrement éclairée par l’éclairage public extérieur. Je me lève très tôt. Je sors de mon sac
mon équipement de marcheur. Je m’habille chaudement. Je lasse fermement mes chaussures pour
cette première journée. Bonnet et gants seront de rigueur ce matin. Il est temps de déjeuner. Je range
mes vêtements de voyage. Je rempli ma poche à eau. Je vérifie mon sac et mes bâtons de marche.
J’avale un thé bien chaud. Tout est calme. Discrètement, je ferme la porte derrière moi et je gagne la
rue. J’ajuste mon bonnet. Je mets mes gants. Je longe la place puis gagne un boulevard, traverse la
Garonne et gagne le canal. Il fait froid et humide. La ville endormie est enveloppée dans un léger voile
de brume. J’y aperçois des fantômes qui marchent prestement puis s’engouffrent dans une bouche de
métro. Plus loin, d’autres hommes s’affairent à nettoyer et à faire place nette. Je suis au bord du canal.
Je vois ses eaux calmes et noires. La lumière blafarde s’y reflètent un peu. Tout est calme. Le temps
habituel et quotidien s’arrête là. Je passe sur le temps du canal. La ville énergique bouillonne et
pourtant le canal la traverse et ralenti le temps. Tout part de là. Maintenant. Je rentre à la maison.

Mes premiers pas le long du canal sont sûrs et rapides. Au bout de quelques hectomètres
j’ajuste les lanières de mon sac qui glissait un peu sur le côté droit et j’ôte les embouts des bâtons qui
ne tenaient pas. De toute façon, le bruit de la pointe de métal rythme mes pas. J’y suis habitué. Je
support très bien le bonnet et les gants dans la fraîcheur matinale et l’humidité. Pas besoin de lampe
frontale. La piste cyclable qui longe le canal est très bien éclairée. Il est trop tôt pour les coureurs
matinaux mais pas pour les travailleurs que je croise et qui fonce vers le coeur de la ville. Petit à petit
je me dirige vers la périphérie de la ville. Le canal ressemble à un tube étanche ou le temps passe moins
vite. Autour, le rythme est effréné. Les cercles urbains se succèdent. Habitat, bureaux, activités
industrielles et commerciales, écoles et universités, espaces verts, équipements sportifs et réseaux
routiers. Au petit matin je traverse le port de Toulouse. Les péniches sont sagement amarrées et
suivent le léger mouvement de l’eau. Certaines sont richement décorées, d’autres se sont refait une
beauté et d’autres encore portent le poids d’une vie. Le jour se lève très doucement. Le gris est mis.
Les nuages rivalisent d’ingéniosité dans les formes et les couleurs. Par moment certains lâchent
quelques gouttes. Cyclistes et coureurs se disputent le canal. Ils ne sont pas dans le temps du canal. Je
me suis calé sur le temps du canal et pourtant j’avance vite. Peu importe l’horaire prévue. Je me suis
calé sur le temps du canal et mes pensées aussi. Peu importe l’horaire prévue. Les arbres, la piste, la
berge et le canal. Je n’entends plus l’autoroute qui longe le canal. Je ne suis plus dans ce temps-là. De
biefs en biefs, d’écluses en écluses je monte vers le point culminant du tracé. Le ciel se dégage un peu
mais certains nuages espiègles me suivent et jouent avec moi. Deux petites averses de pluies et, alors
que le soleil commence tout juste à réchauffer l’atmosphère, une petite averse de grêle. Nous sommes
en avril. Le vent me pousse légèrement. La température reste fraîche. Je garde le bonnet. Ce vent léger
a nettoyé le ciel. Les abords du canal sont d’un vert profond. Les arbres ne sont pas encore tout à fait
en feuilles. Les eaux du canal passent du marron au vert émeraude. J’arrive à la fin de la piste cyclable
en début d’après-midi. Le canal continue seul et laisse pour un moment l’autoroute et la voie ferrée.
Nous sommes seuls. Le canal et le marcheur. Parfois le chemin se fait difficile et se transforme en une
trace étroite au milieu des herbes grasses. J’en profite pour me reposer les jambes en trottinant un
peu. Les pauses sont régulières. Elles sont l’occasion de goûter un peu plus à la quiétude du lieu. En
cette saison il y a peu de monde. En quelques battements d’ailes, et comme au ralenti, un héron cendré
prend son envol au-dessus du canal pour se poser délicatement sur l’autre berge. D’autres oiseaux
moqueurs et cachés se font entendre. Furtivement et dans un bruissement de feuille, le ragondin se
cache dans les berges. Je repars apaisé. Les écluses et tous les ouvrages d’art rythment la marche. Je
regarde les indications implacables fixées aux écluses. Le nombre de mètres qui viennent d’être fait et
le nombre de mètres qui sont à faire jusqu’à la prochaine. Le vent forcit un peu et change de sens. La
fatigue commence à se faire sentir en cette fin d’après-midi. Je ralenti le pas. Les muscles des jambes
sont un peu durs. Le cerveau est malin et envoie des signaux de fatigue et de douleurs. Pour ne pas
tomber dans ce piège je pense à la chance que j’ai d’être là et de pouvoir faire ça. Encore un effort et
je gagnerais l’étape ! Un pont, une écluse et c’est avec soulagement que je conclus cette première
journée.

A l’étape, j’ai retrouvé mon amour avec une joie immense. Marqué par la fatigue et les jambes
un peu raides je savoure une douche chaude, un soin des pieds et un repas reconstituant. Pas besoin
d’histoire pour m’endormir. Je compte les écluses passées. Une, deux, trois, …trente, trente et une,
trente-deux. Je dors déjà.

Le lendemain il fait encore noir mais le ciel semble légèrement gris et le vent marin est là. La
journée devrait être belle malgré tout d’après les experts. Le vent, joueur, a décidé de m’affronter de
face. Ce matin le démarrage est difficile. Une légère douleur à l’intérieur du genou gauche me
chatouille. Je profite des premiers kilomètres pour trouver une position plus confortable. Petit à petit,
mon corps se réveille. Les courbatures et les douleurs finissent par s’estomper. De ce côté, le canal est
plus sauvage. La végétation change. Les arbres abattus laissent le vent prendre la place. La
confrontation est directe. La journée va être longue ! Comme une rengaine entêtante je me serine
sans cesse qu’il faut être patient. Patience, patience, j’avance à chaque pas. La température est un peu
plus élevée qu’hier mais je garde le bonnet. J’aime avoir chaud à la tête. Les berges du canal sont bien
différentes de celles d’hier. Le canal perce des roches sédimentaires et fait des tours et des détours.
Certaines écluses font descendre le canal de plusieurs mètres. Les feuillus d’hier sont remplacés par
des conifères. Pour préparer la saison touristique on s’affaire autour des écluses. Pendant cette
deuxième matinée je ne vois personne. A l’exception des écluses et des villes et villages traversées. De
longues heures en dehors du monde. Le temps du canal ! Ici, plus de piste cyclable mais un chemin
large ou étroit, herbeux ou terreux. Je progresse plus tranquillement qu’hier. Ce farceur de vent se
montre un adversaire coriace. Il m’oblige souvent à me pencher. Il déstabilise mes bâtons et m’assèche
la gorge. Je traverse des portions du canal dépouillé de ses arbres. J’enchaîne des longues lignes droites
face au vent qui ne lâche rien. Je reste patient. Sur les portions boisées restantes je me repose un peu.
Le rythme de la marche est plus faible qu’hier mais est propice aux pensées. Le temps du canal ! Parfois
et pour briser la monotonie je regarde les numéros des arbres. Je compte également les bancs. Les
bancs font partie intégrante du temps du canal. Mais qui s’arrête sur ces bancs pour y ralentir la
marche du canal ? J’appréhende de passer l’écluse d’Argens car après c’est la zone sans écluse pendant
plus de cinquante kilomètres. Je m’étais habitué au jeu des écluses. Heureusement que la fin de l’étape
se trouve au entre les deux extrémités de ce « désert ». La fin de l’après-midi est compliquée. Je
marche plus difficilement. J’essaye quand même de garder le rythme. Je fais des pauses moins longues
mais plus fréquentes. Dans les ports d’attache des bateaux de plaisance on s’affaire également à
préparer la saison. Pour me motiver, en cette fin d’étape, je croise un peu plus de monde. Quelques
plaisanciers, fiers au commande de leur embarcation et avec casquette de marin d’eau douce vissée
sur la tête. Quelques cyclistes dans le sens du vent et profitant de la platitude du lieu. Je constate que
les indications de vitesse des bateaux ressemblent beaucoup aux vitesses du marcheur. Quand je vois
le panneau trois kilomètre par heure, j’ai bien envie de ralentir. Quand j’aperçois un panneau sept
kilomètre à l’heure j’ai du mal à accélérer. Plus que cinq kilomètre avant la fin de l’étape. C’est peu et
beaucoup à la fois. Je me délasse en courant un peu avant de reprendre le cours de ma marche. Le
geste nordique est un peu plus approximatif. Je me surprends à perdre le contrôle des bâtons. La
dernière ligne droite est en vue avant d’arriver au Somail ou je vais retrouver mon amour et les amis.
Je mets mes dernières forces dans ces quelques hectomètres. Au fond, j’aperçois le pont qui enjambe
le canal. Après c’est le hameau. Je passe sous la route et je gagne l’apaisant port du Somail. Des canards
bavards saluent mon arrivée ou se moquent de moi. C’est selon. Avant de gagner le gîte d’étape je
profite encore un peu du soleil finissant. Je frissonne de fatigue. La journée a été longue. C’est le temps
du canal !

L’étape est savoureuse. Amis, Amour, chaleur, bien-être et repos. Pour ne pas oublier, la
fenêtre de la chambre donne sur le canal. Les nuages sont revenus et prennent des postures
menaçantes. Il est l’heure de se reposer. J’ai mal aux jambes. J’essaye de les relever un peu J’ai mal
aux reins. Là c’est entièrement de ma faute car j’avais mis dans ma poche à eau un mélange d’eau
plate et d’eau pétillante mais trop riche en magnésium. Cela ne dure pas car je sombre rapidement
dans un sommeil profond. Au beau milieu de la nuit l’orage et les éclairs jouent leurs partitions. La
pluie malmenée frappe les carreaux de la fenêtre avec force. Je me rendors un peu. Les douleurs ont
disparu et je me sens en pleine forme. Il est deux heures du matin. Quelques heures plus tard et comme
l’orage insiste pour faire partie du jeu je décide de décaler un peu mon départ. A quoi bon partir sous
une pluie battante ?

Il est temps de partir. L’orage a préféré partir vers le sud. Il nous laisse quelques gros nuages
bas en guise de gardien. Il nous laisse une végétation secouée et de belles flaques. Je démarre d’un
pas alerte cette dernière étape. La tâche est rude pour éviter les glissades. Le marcheur nordique
attaque toujours du talon et son pied glisse facilement sur un terrain gras. J’adapte donc mon pas au
terrain. Je regarde du coin de l’oeil ces nuages gris qui menace. Ils ne font pas grand cas du petit
marcheur et préfère s’éloigner pour laisser la place à un ciel plus clément. J’arrive en terrain connu. Si
loin et si proche, la collégiale Saint-Etienne de Capestang se dresse fièrement au milieu des vignes et
veille sur la tranquillité du canal. Comme un vaisseau amiral, l’oppidum de Nissan-Lez-Ensérune
regarde de haut le canal. Je manque de glisser à l’entrée du tunnel de Malpas. La boue des pluies
nocturnes sur les dalles glissantes a bien failli me faire prendre un bain. Le temps d’une courte pause
et je retrouve un compagnon de route sur deux roues. Les discussions aidants le temps du canal
s’accélère un peu. Peu après on retrouve deux autres amies. Le soleil est revenu et marcher avec de la
compagnie me fait beaucoup de bien. On parle, on parle et le rythme de la marche augmente. J’oublie,
l’espace d’un moment, la fatigue accumulée et les douleurs musculaires. Je me sens bien. On dévale à
toutes jambes les neuf écluses. Plus de vingt et un mètre de dénivelé d’un coup ! Quelle performance !
Dans cette descente je sens toute la raideur de mes jambes. Je ralenti un peu le pas. Déjà deux
compagnons sont repartis. Il est temps de faire la pause de milieu de journée. Mon dernier compagnon
de route repart dans l’autre sens. Je retrouve le temps du canal. Au menu de ce repas, crêpes de l’effort
et compote. Le tout arrosé d’un peu d’eau aspirée du tube de la poche à eau. Des canards curieux et
intéressés s’approchent de moi et cancanent quelques miettes. Je m’exécute en leur donnant un petit
biscuit écrasé. Je profite de cette pause pour m’habiller plus légèrement et je troque le bonnet contre
une casquette. Encore un peu d’eau et il faut repartir sur cette portion bitumée et en plein soleil depuis
que les arbres malades ont été coupés. Il me reste une trentaine de kilomètre. Je démarre doucement
car les efforts du matin et des jours précédents se font sentir. J’ai parcouru cette portion des dizaines
de fois. Je sais trop bien où je suis et ce qu’il me reste à faire. L’alternance prend tout son sens.
Quelques mètres en trottinant, plusieurs kilomètres en marchant nordiquement. Les cuisses me
brûlent et je ressens une douleur nouvelle aux doigts. Le vent léger m’est favorable. Au bout d’un
moment je mélange les distances. Suis-je là ? Ou bien là ? Peut-être là ? Le canal me perd. Je me
rattrape aux numéros des quelques arbres rescapés. Je fais une pause. Enfin je retrouve du chemin. Le
canal redevient plus sauvage. Un petit serpent file entre mes pieds et se cache dans les hautes herbes.
Au fond se dresse les structures des manèges du parc de loisir. Encore un effort et je serais bientôt
dans la cité grecque. Mes foulées sont un peu plus heurtées et la direction des bâtons laisse à désirer.
Un carton jaune à coup sûr. Je me redresse un peu. Le chemin est difficile. Des ornières importantes
m’obligent à des contorsions épuisantes. J’arrive dans une zone en chantier. Les arbres ont été
arrachés et les berges sont à nus. Que c’est long cette portion. Le temps du canal semble ralentir
encore un peu plus. Quand tout à coup j’entends les cloches de la cité. Faiblement d’abord puis de plus
en plus fort. L’écluse d’Agde est en vue. Je longe l’Hérault avant de le traverser. Sur la petite place je
m’assieds sur un banc et, comme abasourdi, je n’ai plus d’énergie. Je suis vidé. L’émotion me
submerge. Je me répète en boucle huit kilomètres, huit kilomètres, huit kilomètres… Je reprends mes
esprits au bout de quelques minutes. J’appelle mon amour. Je bois quelques petites gorgées d’eau et
je mange un peu.

Il me faut plusieurs minutes avant de repartir. Je me lève. Je charge mon sac. Je serre mes
sangles. J’ajuste mes gantelets. J’attache mes bâtons. Je reprends la marche. Un pas après l’autre.
Mains, bras, pieds, jambes, buste, tête. Un pas après l’autre. Je longe la rivière avant de retrouver le
canal. Il reste deux écluses. Le chemin est agréable et doux. La température est agréable et douce.
Après la dernière écluse je pénètre dans la zone naturelle. Je retrouve la voie ferrée. Le chemin est
bordé de roseaux qui masquent le canal. Je sens la brise marine. Je retrouve de l’énergie et j’allonge
le pas. Juste avant le pont j’aperçois mon amour et les amis venus pour mon arrivée. L’émotion est là.
Quelques mots plus tard je continue sur la digue entre canal et étang. Je pars devant à l’assaut du
phare. Le chemin empierré est difficile et me fais mal aux pieds. Mes cuisses et mes jambes sont raides.
Encore quelques centaines de mètres pour être au bout du canal. Après c’est l’étang et la mer. La
dernière digue, marquée par les outrages du temps et de l’eau, m’amène au phare. Je serre le poing,
je pousse un cri de joie puis je m’assieds sur le muret. Je suis heureux et fatigué. Mon amour et les
amis me rejoigne peu après. Le temps du canal est fini. La maladie, aussi grave soit-elle, fût une
parenthèse de ma vie. Le canal m’a permis de marcher vite et de ralentir le temps. Une ligne de vie
dessinée par les hommes. Un canal hors du temps. Un souffle d’énergie.


« …Par un joli matin d'été
Quand le soleil vous chante au coeur
Qu'elle est belle la liberté, la liberté
Quand c'en est fini des malheurs
Quand un ami sèche vos pleurs
Qu'elle est belle la liberté, la liberté… » G. Brassens (Heureux qui comme Ulysse)

Fabrice_13
Fabrice_13
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